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					Cette 
					fontaine, rendue si célèbre par les romans de chevalerie, se 
					trouve dans la forêt de Paimpont, en Bretagne. Son aspect 
					est des plus pittoresques, et les habitants des communes 
					voisines ont encore conservé, pour la source magique, une 
					sorte de respect superstitieux. Robert Wace, poète du 
					douzième siècle, parle de cette fontaine et de la forêt de 
					Paimpont, qui se nommait alors Brecilien ou 
					Brecheliant. On lit dans ses oeuvres :    
						
							| ...Brecheliant, Dont Bretons vont souvent fablant (faisant des 
							fables),
 Une forest moult longue et lée (large),
 Ki en Bretagne est moult louée.
 La fontaine de Barenton
 Sourd (jaillit) d'une part lès (près) le perron.
 Aler souloient vénéor (les chasseurs)
 A Barenton par grant chalor,
 Et o (avec) leur cor l'eve (l'eau) puisier,
 Pour ce souloient pluie avoier.
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					Cette 
					croyance aux propriétés magiques de l'eau de Baranton, qui 
					lorsqu'on la répandait sur le perron, c'est-à-dire 
					sur la pierre servant de mardelle à la source, amenait 
					immédiatement des pluies abondantes, nous est également 
					confirmée par Guillaume le Breton, chapelain de Philippe-Auguste. 
					« Quelles causes, dit-il, produisent la merveille de la 
					fontaine de Breceliand ? Quiconque y puise de l'eau et en 
					répand quelques gouttes sur le perron rassemble soudain les 
					nues chargées de grêle, fait gronder le tonnerre et voit 
					l'air obscurci par d'épaisses ténèbres ; et ceux qui étaient 
					présents et souhaitaient de l'être voudraient bien alors 
					n'avoir jamais rien vu, tant leur stupeur est grande, tant 
					l'épouvante les glace d'efîoi ! La chose est merveilleuse, 
					je l'avoue ; cependant elle est vraie : plusieurs en sont 
					garants. » (Guillelmus Brito, Philippis, lib. VI, v. 
					415.) 
					Chrétien 
					de Troyes parle aussi de la fontaine qui bout, du 
					perron, et des propriétés singulières de l'eau merveilleuse. 
					Un poète cambrien du douzième siècle, dont M. de La 
					Villemarqué a traduit l'oeuvre dans ses 
					Contes des anciens Bretons, en donne également 
					une description qui ne peut se rapporter qu'à la fontaine de 
					Baranton :
					« Je me mis donc à cheminer, dit le 
					héros du poème intitulé Owen, ou la Dame de la fontaine, 
					tant que j'arrivai au sommet de la côte, et j'y trouvai tout 
					ce que l'homme noir m'avait prédit ; et je m'avançai vers 
					l'arbre, et je vis la fontaine dessous et le perron de 
					marbre et le bassin d'argent attaché à la chaîne, et je pris 
					le bassin et je le remplis d'eau et le versai sur le perron 
					de marbre. Et voilà que le tonnerre gronda avec encore plus 
					de fureur que l'homme noir ne me l'avait annoncé, et après 
					le tonnerre, l'averse ; et en vérité je te le dis, Kai, il 
					n'y a ni homme ni bête qui puisse supporter une pareille 
					averse sans mourir, car il n'y a pas un seul de ses grêlons 
					qui ne traverse la peau jusqu'aux os. Je tournai la croupe 
					de mon cheval à l'orage, et je couvris sa tête et son cou 
					d'une partie de mon bouclier, tandis que je m'abritais 
					moi-même sous l'autre, et je soutins de la sorte l'orage. »   
						
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							 Les 
							propriétés magiques de l'eau de Baranton étaient 
							regardées comme tellement certaines que nous les 
							voyons constatées au quinzième siècle dans une 
							ordonnance du comte de Laval, relative aux 
							usements et coustumes de la forêt de Brecilien. 
							On y lit : « Joignant à la 
							fontaine de Menton y a une grosse pierre que on 
							nomme le perron de Belenton, et toutes les fois que 
							le seigneur de Montfort vient à ladite fontaine et 
							de l'eau d'icelle roule et mouille ledit perron, il 
							pleut au pays si abondamment que la terre et les 
							biens estant en icelle en sont arousés et moult leur 
							proufitte. »
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									| Fontaine de Baranton, dans la forêt de 
									Paimpont |  |    
					L'ordonnance 
					du comte de Laval donnait à la fontaine le nom de 
					Belenton 
					(au lieu de Baranton). Ce mot, comme le fait remarquer M. de 
					La Villemarqué semble, formé de ton, montagne, et de
					Belen, nom sous lequel les Gaulois adoraient Apollon. 
					Dans ce cas, la forêt et la fontaine auraient été 
					primitivement consacrées au dieu Belen, et le respect 
					superstitieux qui lui est accordé serait un reste du culte 
					druidique. Ce respect est tel que ni la réflexion, ni 
					l'expérience n'avaient pu détruire la confiance des Bretons 
					dans la puissance singulière de l'eau de Baranton. En 1835, 
					les habitants de la paroisse de Concoret (vallée des Fées) 
					s'y rendirent processionnellement avec le clergé pour 
					obtenir les pluies nécessaire aux moissons. Arrivé près de 
					la fontaine, le curé bénit l'eau, y plongea l'aspersoir et 
					arrosa les pierres voisines. 
					Il 
					est possible que la source de Baranton doive sa curieuse 
					réputation à une propriété particulière qui n'attrait rien 
					de nouveau pour les savants, mais dont les ignorants ont dû 
					s'étonner : toutes les fois qu'on y jette un morceau de 
					métal, l'eau, dit-on, entre en ébullition. Aussi les jeunes 
					pâtres de la forêt s'amusent-ils à y laisser tomber des 
					épingles, en disant :
					« Ris, fontaine de Baranton. C'est à 
					quoi Chrétien de Troyes a sans doute fait allusion en 
					parlant de la fontaine qui bout. »  |