- Un pincemaille
(2) avait tant
amassé
- Qu'il ne savait
où loger sa finance.
- L'avarice, compagne
et soeur de l'ignorance,
- Le rendait fort
embarrassé
-
- Dans le choix d'un
dépositaire;
- Car il en voulait
un, et voici sa raison:
- «L'objet tente;
il faudra que ce monceau s'altère,
- Si je le laisse
à la maison:
-
- Moi-même de mon
bien je serai le larron.»
- -Le larron? Quoi?
jouir, c'est se voler soi-même!
- Mon ami, j'ai pitié
de ton erreur extrême;
- Apprends de moi
cette leçon:
-
- Le bien n'est bien
qu'en tant que l'on s'en peut défaire;
- Sans cela, c'est
un mal. Veux-tu le réserver
- Pour un âge et des
temps qui n'en ont plus que faire?
- La peine d'acquérir,
le soin de conserver,
-
- Otent le prix à
l'or qu'on croit si nécessaire.
- Pour se décharger
d'un tel soin,
- Notre homme eût
pu trouver des gens sûrs au besoin.
- Il aima mieux la
terre; et prenant son compère,
-
- Celui-ci l'aide.
Ils vont enfouir le trésor.
- Au bout de quelque
temps, l'homme va voir son or;
- Il ne retrouva que
le gîte.
- Soupçonnant, à bon
droit, le compère, il va vite
- Lui dire: « Apprêtez-vous;
car il me reste encor
-
- Quelques deniers:
je veux les joindre à l'autre masse.»
- Le compère aussitôt
va remettre en place
- L'argent volé, prétendant
bien
- Tout reprendre à
la fois, sans qu'il n'y manquât rien.
-
- Mais, pour ce coup,
l'autre fut sage:
- Il retint tout chez
lui, résolu de jouir,
- Plus n'entasser,
plus n'enfouir;
- Et le pauvre voleur,
ne trouvant plus son gage,
- Pensa tomber de
sa hauteur.
- Il n'est pas malaisé
de tromper un trompeur.
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