1775. Erasme Pincemaille in Moscow
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Extracts of the diary of Daniel de Corberon.
12-26 août 1775
Les divertissements publics ne sont pas nombreux dans cette ville, il y a un Opéra-Comique qui ne vaut pas grand-chose. La salle est assez bien ; j'ai été voir Julie qui n'a pas été trop bien rendu . Il y a un nommé Dugué qui a du talent, ainsi que Mde de foix avec qui il vit ; ils ont joué l'un et l'autre à Bruxelles. Hors ces deux acteurs il y a bien peu de talent ; c'est ce qu'on reproche à Mde Pincemaille qui du reste est grande jeune et jolie. Le lendemain ou le surlendemain il y a eu Wauxhall, j'y ai été . C'est un grand jardin qui appartient à un seigneur qui le loue au propriétaire du Wauxhall, cette promenade est terminée par un étang sur lequel il y a de la musique. Dans plusieurs bosquets il y a de petits concerts, un entre autres formé par la réunion de plusieurs instruments à vent dont chacun ne fournit qu'un ton. C'est comme un orgue démembré, et cela ressemble assez à ceux dont les Savoiards jouent le soir dans les rues de paris avec la lanterne magique. Le jardin est illuminé de lampions quand le jour tombe, et l'on trouve de grands appartements en haut, où l'on danse et l'on joue ; il en coûte un rouble pour entrer dans ce Wauxhall qui dure jusqu'à deux heures du matin. J'ai fait connaissance avec le Cte de Lacy ministre d'Espagne homme d'esprit, et d'une tournure fort noble. J'ai dîné chez lui dimanche 20. et nous avons été l'après-dîner voir manœuvrer un regt de houzards commandé par M. Potemkin. Les chevaux de ce régiment sont de l'Ukraine, ils sont petits, mais vigoureux et assez vites, et en général cette troupe a bien manœuvré . Il y a un chevalier de Portalis provençal qui est fort entrant ; il est venu me voir. Je n'y étais pas. J'ignore qui il est. Les vilainies de M. de Juigné se soutiennent et augmentent de plus en plus. Ses conversations sont remplies de traits qui le décèlent, et comme il n'a pas l'art de se cacher, tout le monde voit ses défauts. Il refuse au Mis de Puységur et à moi lits et meubles. Il est vrai qu'il ne doit rien au 1er mais au moins faut-il être honnête. Quant à moi nous verrons quels arrangements il me proposera. Il a trouvé un expédient qui l'enchante c'est de faire servir un nécessaire de voiture à renfermer ses chifîes ; c'est une armoire épargnée ! et je me souviens de lui avoir entendu dire comme une maxime : Il n'y a point de petites économies. Malheureusement, il n'est déjà que trop connu, et j'ai bien été surpris lorsque Malveau m'a dit qu'il n'était pas fait pour réussir dans ce pays-ci, qu'on y savait la cacade* qu'il avait faite en Pologne ; en parlant de notre présentation au roi, et de la contenance qu'il avait gardée pendant sa conversation . Je fus étonné de ces détails, mais je vis le mot de l'énigme quand j'appris ce qu'on va lire. Il y a ici une maison, probablemt celle du Cte Branicki ou du Pce adam Czatorinski où l'on a dit que M. de Stackelberg ambassadeur russe à Varsovie avait mandé qu'il avait vu dans cette ville le ministre de France ; que c'était un homme sans connaissances, en un mot, un imbécile et un sot. Voilà le propos qui s'est tenu à une table de douze couverts ; voilà l'homme jugé avant qu'il arrive, sa présence aura-t-elle fait changer d'opinion. Depuis quelques jours nous sommes logés dans une maison voisine de l'hôtel de France où le Mis de Juigné a loué trois chambres pour une partie de son monde et que nous occupons Puységur et moi jusqu'au départ de M. Durand. J'ai eu dans cette maison une aventure assez drôle . J'y avais remarqué une jeune femme amie des locataires et qui vint occuper un petit appartement dont l'escalier touchait la porte de ma chambre. Je m'avisai d'agacer cette femme lorsqu'elle montait ou descendait. Comme nous parlions chacun une langue que nous n'entendions pas mutuellement, il n'était pas facile de se comprendre, cependant ses yeux me dirent qu'elle pouvait me deviner. En conséquence je tentai l'aventure, et me trouvant sur son passage, je lui pris les mains que je serrai. Le geste était mon seul organe, il fallut alors le multiplier, mais j'étais entouré d'argus* et il devenait nécessaire de jouer l'air de la discrétion pour acquérir plus promptement les droits du défaut opposé. Mon dessein ne déplut pas : deux heures après je saisis une autre occasion et je donnai à ma belle le baiser le plus expressif, elle le comprit et s'y prêta avec les grâces de la Française la plus consommée. Je la suivis aussitôt dans sa chambre ; nouvelles embrassades, et comme le jeu paraissait plaire à ma belle j'allai plus loin, et décorai mon doigt de l'anneau de Hans Carvel. Ce début était trop brillant pour en demeurer là, mais on nous allait surprendre, et la prudence nous fit séparer. Je crus que les entreprises de la journée étaient finies, et je songeais le soir en me déshabillant à trouver quelque nouvelle tournure pour le lendemain, lorsque j'entendis ma petite femme descendre pieds nus, et se présenter devant ma porte, je la fis entrer dans ma chambre, et de ma chambre dans mon lit. Je n'ai jamais vu de plus beau corps, et des beautés secrètes plus accomplies ! Cette piquante aventure par sa singularité dura deux jours après lesquelles ma nymphe partit pour la cam pagne et me laissa le repos du veuvage, et l'ignorance de son nom et de sa personne. On m'a dit depuis que c'était la femme d'un officier.
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11 octobre 1775Portalis est venu ce matin à 8. heures, il a déjeuné et nous sommes sortis ensemble. Nous avons été chez le prince Stéphane couraquin que nous n'avons pas trouvé, de là chez le Cte Sacromoso qui n'y était point , ensuite chez M. Paukempol que nous avons vu. Ce jeune homme paraît aimable, c'est le négociant qui se plaint de Puységur. Je lui ai fait beaucoup d'honnêtetés*. Il m'a proposé de me faire dîner chez la daubecourt une comédienne avec Mde Souslaville ; je l'ai remercié, mais en lui demandant de me réserver pour une autre fois sa bonne intention. En revenant, Portalis m'a reparlé de ses amours , il m'a prié de lui faire une lettre je lui ai promis. Il me paraît décidé à s'attacher dans ce pays-ci. Mais il ne veut point de service militaire ; son désir serait d'être avec quelque seigneur russe qui voulût faire de grands voyages, ou d'être adjudant du grand-duc. Sa fortune n'est pas considérable ; il n'a plus dans ce moment-ci que 4000lt tout au plus de rente, et depuis qu'il est à Moscou il n'a pas reçu d'argent, néanmoins, il n'a dit-il, que 700. R. de dettes, et il peut aller jusqu'à 1200, et même 2000.
M.
martin a dîné avec nous
,
il m'a appris sous le secret que
le
Pce michel dolgoroucki
était amoureux et amant de la
Male
Czernichew
.
Il m'a ajouté qu'il était inquiet depuis quelque temps ; j'imagine que
c'est à cause du Cte
Laci qui l'a je crois, supplanté.
J'ai
montré à Martin mon journal de Jaroslaw qu'il a trouvé très joli, il
y a reconnu les mœurs, et il prétend que l'impératrice le lirait avec
plaisir, si elle en entendait parler
.
Nous avons ensuite, causé d'affaires ;
il
m'a parlé de ses projets de reprendre le vice-consulat ; il m'a montré
à ce sujet une lettre de Petersbourg par laquelle on lui mande que pour
peu qu'il le désire,
M.
de Léseps consul général sera fort aise de l'avoir pr
adjudant à Moscou
.
Mais, il voudrait obtenir des appointements de la cour, et il demande
2000. R.
M.
Durand qui juge un vice-consul nécessaire à Moscou, doit montrer à M.
le Cte de Vergênnes
un mémoire qu'a fait Martin à ce sujet
,
et
le
Mis de Juigné
qui m'en a fait un petit mystère, se propose d'écrire aussi au minis
tre
pour appuyer sa demande
. J'ai écrit à hyéropolis à M. de Juigné .
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20 décembre 1775Comme j'étais à travailler ce matin, est venu Roger avec son beau-îère kerselli ; je n'ai pu lui donner de nouvelles de la sollicitation que j'ai faite pour lui au Cte andré mais je lui ai dit que je lui écrirais de Petersbourg, mais je l'ai prévenu qu'il n'aurait que 500. R. et il en veut 600. On m'a apporté une lettre du Mis de Vérac datée de Copenhague , il a écrit aus si au Mis de Juigné .
Le
Pce d'anhalt et
le Cte de Brhülle
m'ont écrit un mot pour nous demander à dîner, ils sont venus
.
Le
prince m'a parlé de ses amours avec un enchantement toujours égal
; il y a passé la journée entière avec le Cte
Bhrülles hier,
on
y a lu mon épître au Cte
andré
,
et elle a fourni à la conversation. Ce qui m'a fait plaisir dans tout
cela, c'est l'intimité qui règne entre le prince et moi.
On
a parlé à table de différents usages
; celui en Russie de boire la chôle avant les repas, c'est-à-dire un
verre de liqueur, et de manger le dessert dans le salon quand on est
hors de table ; ce dessert consiste en quelques plats de confitures
dont on prend avec la même cuillère dans tous après avoir mangé sans
l'essuyer. Les santés se boivent aussi les jours de fête les unes après
les autres dans le même gobelet ; la politesse vous engage seulement
à laisser un peu de vin dans
le
verre qui fait la ronde, qu'on jette dans celui [qui] est devant soi,
avant de le passer à son voisin. Le Pce
d'anhalt m'a dit qu'en Pologne il y avait certaine maison où l'on vous
annonçait quand vous sortiez ainsi que lorsque vous entriez, et d'après
cet avertissement d'un ou plusieurs valets de chambre il fallait essuyer
une bordée de compliments.
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25 décembre 1775
A mon lever
j'ai
trouvé M. Roger dans ma chambre. Il m'a promis un livre qui a pour titre
: Facultés intellectuelles de l'homme
.
Nous
sommes sortis ensemble pour aller chez
Pincemaille que j'ai trouvé.
Nous avons parlé maçonnerie
.
Il
m'a entretenu ensuite de secrets qu'il me communiquera
; il y en a un pour la fièvre qui est une puérilité ; la voici : Il
faut se couper les ongles des pieds et des mains, sortir à jeun pour
chercher un arbre de ceux dont l'écorce se lève facilement ; on mâche
une bouchée de pain qu'on réduit
en
pâte, on la mêle avec les ongles, et on la met sous un des côtés de
la croix qu'on a fait dans l'arbre avec un canif sur l'écorce ; et l'on
dit cinq pater et cinq ave en l'honneur des cinq plaies
de J. C.
On
croira difficilemt
que dans le dix-huitième siècle, celui de la philosophie on rapporte
de pareils traits, mais la raison ne vient pas toujours avec l'âge,
et les vieux enfants ne sont pas les plus rares
.
J'ajouterai
à ceci une histoire de revenants
. J'ai dîné chez la comtesse Zachar j'étais entre le Pce d'anhalt et le chever de Mézieres qui m'obligeait par politique de partager ma conversation entre lui et mon autre voisin. J'ai été après le dîner chez le Pce michel dolgoroucki et le Mal Rasomoffski ; je suis revenu ensuite chez moi où j'ai trouvé M. Pincemaille . Nous avons reparlé maçonnerie dont il a une collection complète qu'il me communiquera. Il m'a parlé aussi d'un élixir intéressant pour sa vertu ; il répare les forces affaiblies … Il a encore une composition de métal propre à prendre l'empreinte des médailles, qui a la couleur et le poids de l'argent . Nous verrons toutes ces merveilles à Petersbourg, et j'espère que nous partons demain s'il n'y a pas de nouveaux arrangements.
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